Interview de Granit dans la presse Suisse aujourd'hui.
Il est le socle de l'équipe de Suisse, imperturbable dans la tempête. Sauf que Granit Xhaka a eu peur, au plus fort de la critique après ses indisciplines sous le maillot d'Arsenal. Le milieu de terrain se dévoile, à deux jours du match contre la Lettonie en éliminatoires du Mondial 2018.
Granit Xhaka, vous avez découvert cette saison la pression de la Premier League et d'un club comme Arsenal. Comment avez-vous réagi aux critiques parfois acerbes qui vous ont été adressées?
«Ce qui m'a énormément touché, c'est la source des critiques et la forme de celles-ci. Elles ne venaient pas de mon club, mais d'anciens joueurs qui ne me connaissent pas, pas plus qu'ils ne connaissaient Arsenal. Des gens qui ne savent rien de mon mode de fonctionnement m'ont attaqué en me faisant passer pour un idiot décérébré et méchant!»
Qu'est-ce qui vous a fait le plus mal? Le choix des mots? Les suspensions qui vous empêchaient de prouver votre valeur?
«Ma deuxième expulsion m'a vraiment perturbé. Je traversais une bonne phase, avec 13 ou 14 rencontres disputées consécutivement, j'étais dans le rythme. J'ai alors eu peur de perdre ma place. J'ai douté.»
Une expulsion qui vous a coûté trois matches de suspension, et tout ceci pour une faute à 60 mètres de votre surface...
«Mon geste était totalement inutile, car j'étais couvert par mes coéquipiers. J'ai immédiatement ressenti, lors du match retour à Munich, qu'il me manquait quelque chose dans les jambes: la compétition. Et j'ai eu besoin de temps pour retrouver le bon timing.»
Avez-vous été étonné d'être d'emblée retenu dans l'équipe après votre suspension? Il y avait tant d'observateurs qui affirmaient que vous n'étiez qu'un élément perturbateur dans les jeu des Gunners...
«Arsène Wenger n'aurait pas pu me donner une plus belle preuve de confiance. Après deux semaines de travail à l'écart avec le préparateur physique, le coach est venu vers moi et m'a libéré d'un poids: 'Vous jouez!''»
Durant cette période solitaire, avez-vous cherché à prendre conseil autour de vous?
«Les trois premiers jours, je me suis muré presque complètement. Puis j'ai pu échanger avec différentes personnes. J'ai eu des contacts avec Lucien Favre, avec André Schubert (NDLR: ses deux entraîneurs à Mönchengladbach) et avec quelques joueurs.»
Pensiez-vous que cette affaire allait prendre de telles proportions?
«Vous voyez, une telle expulsion peut, selon les circonstances, changer une carrière. L'entraîneur aurait aussi très bien pu me dire que j'étais un fardeau sur la route vers le succès. Il aurait tout aussi bien pu me virer!»
Un Wenger qui subit lui aussi un très forte pression actuellement, avec la possibilité d'une non qualification pour la Ligue des champions, ce qui n'est plus arrivé à Arsenal depuis 1997. A quoi ressemble la situation dans votre club?
«Ce qui se joue ici, le quotidien à Arsenal, est très différent de ce que j'ai connu à Mönchengladbach. Il y a presque deux mondes d'écart. Trois contre-performances de suite et l'enfer se déchaîne. Les attentes sont gigantesques: gagner la Premier League, gagner la Ligue des champions et gagner les Coupes! Vous n'y parvenez pas, alors la critique ne vous rate pas, et elle arrive de partout.»
Pensez-vous avoir plus appris durant votre première année à Londres que durant tout le reste de votre carrière?
«Non, je ne peux pas dire cela. Sans le statut que je me suis bâti à Gladbach, je ne serais pas en Angleterre. Après six mois au Borussia, je voulais m'enfuir, j'avais l'impression d'avoir tout perdu. L'histoire a heureusement été différente, parce que je me suis battu avec conviction contre l'échec. Depuis cette époque, c'est devenu clair: je ne me laisserai jamais abattre par quelqu'un ou quelque chose.»
Comment définiriez-vous le rôle que vous serez amené à jouer à Arsenal dans un avenir plus ou moins proche?
«Je suis prêt à relever les défis et à avancer même par vent contraire. Mon objectif est de tenir un rôle central dans un des dix meilleurs clubs au monde et d'en devenir un leader.»
Comme à Arsenal, le moindre de vos gestes ou de vos déplacements en équipe nationale est scruté...
«Et cela ne me pose aucun problème, parce que j'ai fait en sorte d'être là où je suis aujourd'hui. On ne m'a pas fait de cadeau, je me suis énormément investi année après année. Il n'y a pas de hasard, tout a été planifié. C'est pourquoi je n'ai ni à me cacher de personne, ni à me justifier.»
Vous n'avez pas l'habitude de vous cacher, vous connaissez la pression, vous communiquez souvent. Vous postulez déjà pour le capitanat de la sélection?
«Actuellement, je suis placé juste en dessous du vice-capitaine Valon Behrami, et Vladimir Petkovic n'en a pas décidé ainsi par hasard non plus. Je serais très fier de représenter mon pays avec le brassard.»
Le sélectionneur estime que vous avez les qualités requises pour la fonction...
«Mais rien n'est jamais joué d'avance. J'ai de l'expérience, avec une cinquantaine de sélections au compteur. Si la Suisse cherchait un nouveau capitaine, je serais prêt.»
Le capitaine actuel, Stephan Lichtsteiner, apprécie votre confiance en vous-même. Et vous, quel regard portez-vous sur lui?
«Je l'observe. Et je ne suis pas encore à son niveau. Si j'arrive à être titulaire pendant cinq saisons de suite à Arsenal, comme c'est son cas à la Juventus, alors là, on pourra comparer. Pour moi, c'est un exemple en tout point.»
Lesquels particulièrement?
«Son engagement inconditionnel pour l'équipe, la manière qu'il a, à son âge, de continuer à travailler sans relâche et à se remettre en question. Quand je me suis retrouvé sous le feu de la critique, après ma deuxième expulsion, il m'a écrit pour me dire qu'il était à mes côtés. Pour un jeune joueur comme moi, quel bien ça fait de recevoir des conseils de gens comme lui! Ses mots m'ont donné une certaine forme de stabilité au cœur d'une période chahutée.»