Comment le Bayern Munich a écrasé la concurrence domestique
Par POLO le 27/03/2014 à 12:30, mis à jour le 27/03/2014 à 12:39
Le Bayern vient de fêter le titre national le plus rapide de l’histoire du football allemand. Polo nous explique comment il en est arrivé là.
25 points d’avance ! Le chiffre fouette le visage comme le mistral ou le vent d’Est sur la Côte d’Azur. Qui plus est après 27 journées de championnat seulement alors qu’en 2012-2013, il avait fallu attendre la 34ème pour atteindre, déjà, ce gouffre, entre le Rekordmeister et son poursuivant. C’est stratosphérique mais cela confirme une nouvelle tendance : le Verein munichois ne se contente pas de remporter le Meisterschale une année sur deux depuis la création de la Bundesliga, il ne laisse même plus de miettes à ses adversaires.
L’Allemagne est groggy, les émissions nationales de radios et de télévisions se succèdent afin d’expliquer ce nouveau phénomène. Pis, on est passés du meilleur championnat du monde à la dernière place en quelques semaines, à cause des deux dégelés encaissées par Schalke 04 et le Bayer Leverkusen en Ligue des Champions, provoquant aussi un certain émoi domestique. Il est temps de faire le tri et d’essayer de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé.
Le Bayern en est là parce que Dortmund l’a poussé dans ses derniers retranchements.
Qui se souvient dans quel état un Jürgen Klinsmann, peut-être bon sélectionneur mais bien piètre entraîneur, avait laissé le club bavarois lors du championnat 2008-2009 ? La qualification pour la prochaine Ligue des champions était alors en danger, il fallait rappeler dare-dare der Feuerwehrmann, le pompier Heynckes, afin d’aller chercher la médaille d’argent au classement. Enfin, le Néerlandais Van Gaal débarquait pour restructurer, plutôt dépoussiérer, tout le club et ainsi lancer dans le grand bain professionnel quelques pépites aujourd’hui reconnues comme Müller, Badstuber ou bien Alaba, par exemple.
Dans le même temps, une sorte de professeur Tournesol, un brin déjanté, rompant avec tous les codes déontologiques du conservatisme footballistique, débarquait du côté de la Ruhr, en provenance de Mayence. Un autre Jürgen mais avec le patronyme de Klopp cette fois-ci. Alors que le FC Bayern était au garage, il produisit ce qui sera l’un des plus beaux footballs de l’histoire de l’Allemagne, remportant magistralement le Meisterschale 2011 avec sept points d’avance et même un de plus en 2012. Les spécialistes s’interrogent déjà sur ces écarts conséquents. Ils n’ont pas l’habitude et les dirigeants prônent toujours le "tout le monde peut battre tout le monde en Bundesliga", son crédo, son slogan, mille fois répété depuis le début des années 1960.
Paradoxalement, l’Europe se refuse à Klopp, aussi bien en Ligue Europa qu’en Ligue des Champions, et il faudra attendre l’exercice écoulé pour que le public continental applaudisse les Bubis, les garnements de Dortmund. Sauf que durant tout ce temps, le club munichois, fidèle à sa tradition, a augmenté son niveau de jeu, s’est reconstitué. L’affront, à domicile, contre Chelsea sera lavé, tout comme l’humiliation nationale dès 2013. Le FC Bayern est redevenu ce qui fait son ADN, celui que l’on adore détester, il écrase ses adversaires, ne laisse aucun survivant debout. La période Heynckes terminée, le Board munichois réussit un coup de maître en enrôlant le meilleur coach du monde, Pep Guardiola.
Pep est en Bavière et l’équipe du capitaine Lahm continue de gagner les matches les uns après les autres, inventant le turnover permanent. L’hydre de Lerne est dépassée, voici celle de Munich ! Qui de Robben, Götze, Thiago Alcantara, Mandzukic va sortir du chapeau ? Ou bien est-ce Ribéry, Müller, Shaqiri ou Kroos ? Précision : elle va aussi chercher les victoires. Celle du week-end dernier, alors que le 0-0 se profilait à Mayence, en est un parfait exemple. Idem à Stuttgart où le FCB se fait malmener avant de l’emporter à la 92ème minute grâce à un ciseau magistral de Thiago Alcantara. Un nul aurait-il changé la face du monde ?
Pire, à chaque fois qu’un obstacle se dresse sur sa route, il est prêt au combat. Pour la reprise du Rückrunde, le Klassiker contre le Borussia Mönchengladbach est évidemment un grand danger. Les Fohlen, les poulains de Favre, se font équarrir au Borussia-Park. La trêve hivernale aurait pu couper les pieds des joueurs du FC Bayern, c’est tout l’inverse qui s’est passé.
La Schneckenrennen, la course aux escargots, bat son plein
Que les équipes de Bundesliga n’arrivent pas à suivre le rythme imposé par le club munichois est une chose. Mais qu’aucune ne réalise une moyenne de deux points par match, un parcours de champion, en est une autre. Et c’est aussi là que l’écart s’est creusé. A titre de comparaison, en Italie, le formidable parcours de l’AS Roma de Rudi Garcia est complètement occulté par une Juventus Turin renversante. De même, le Napoli de Benitez réalise, lui aussi, un parcours de prétendant au titre. En Angleterre, c’est encore mieux avec quatre équipes qui pourraient, dans l’absolu être sacrées. En Liga espagnole, un trio de tête, une première depuis des lustres, a fait un trou béant avec ses poursuivants complètement largués. Idem en France où l’écart entre les deux premiers, le club de la capitale et l’ASM, et le reste de la troupe est éloquent.
Ce qui différencie encore la Bundesliga cette saison, c’est le parcours chaotique des autres clubs. Après un Hinrunde de toute beauté, le Bayer Leverkusen s’est écroulé, enchaînant, avant l’opposition de la 27ème journée, un point en six rencontres, sept en tout en onze matches…un parcours de relégable. Et pourtant le groupe de Sami Hyypiä espère toujours participer à la prochaine Ligue des Champions. Pourquoi ? Mais à cause d’une autre série catastrophique, celle d’un outsider, le Borussia Mönchengladbach, lequel a vu lui échapper la victoire lors de neufs matches consécutivement. Le VfL Wolfsburg, et ses millions d’euros dépensés afin de rejoindre l’Europe, vient de se ressaisir à Brême après un mois de mars sans connaitre le succès ! Schalke 04 végétait encore à une peu reluisante quatorzième place après la septième journée. Seul son Rückrunde est celui d’un champion potentiel avec 23 points pris en dix Spieltage, une seule défaite mais très lourde contre le Bayern Munich (1-5), comme par hasard.
Quant à l’inconstance de l’ennemi des Knappen, le Borussia Dortmund, elle devient la norme. Encore leader de la Bundesliga après cette fameuse septième journée puis un parcours de champion jusqu’au tiers du championnat, à un point seulement du Verein bavarois, il réalise sur les seize dernières journées sept victoires seulement pour trois nuls et six défaites, une trajectoire amenant, au grand maximum, à la Ligue Europa ! Matthias Sammer, dans l’une de ses sorties médiatiques dont il a le secret a critiqué l’absence de constance des autres adversaires de la Bundesliga, suggérant aussi que les clubs allemands n’étaient pas aussi "méticuleux" que le Bayern. Ce qui provoqua bien entendu une polémique et une passe d’armes mémorable en direct à la télévision entre Jürgen Klopp et Oliver Kahn, après la défaite en League des champions contre le Zenit St. Petersburg (1-2) ! De son côté, l’ancien coach à succès des Borussen mais aussi des Münchener, j’ai nommé le grand Ottmar Hitzfeld, critique ouvertement la politique de recrutement du BvB, il y a une semaine : "Généralement, il faut que Dortmund cherche à conserver ses stars en leur proposant des contrats à long terme mais il lui faut aussi abandonner plusieurs millions d’euros à ses joueurs avant de devoir faire de plus gros investissements par la suite".
Enfin, Christian Seifert, l’un des hommes les plus importants de la DFL allemande, notre LFP, est interrogé par der Spiegel, d’où il envoie la salve suivante : "Nous devons constater que nous avons en Bundesliga huit clubs qui ont un budget supérieur à 100 millions d’euros, deux Vereine sont en quart de finale de la Ligue des champions mais aucun n’est en huitième de la Ligue Europa. Cela doit changer sur la durée." Le grand patron a parlé. Le problème actuel du football allemand n’est que conjoncturel à condition de ne pas se trouver des excuses, de ne pas considérer la domination bavaroise comme une fatalité. Car depuis quatre ans maintenant, le championnat allemand ne délivre plus le Meisterschale lors de la dernière journée. Et, au pays d’Effenberg, changer les habitudes, on n’aime pas. Et si le Bayern Munich vivait ce que l’on appelle un momentum, un optimum, quelque chose de très rare, d’extraordinaire, donc par définition de pas ordinaire ? C’est l’essence même du débat en Allemagne. Quoi qu’en disent les détracteurs à la petite semaine, ceux qui ne la regardent pas le plus souvent, la Bundesliga a de beaux jours devant elle.